Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/56

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et à Kalloméïtsef qui se tenait aussi sur le perron (il donna à ce dernier un vigoureux shake-hands à l’anglaise, en imprimant à son bras un mouvement de branle, comme s’il sonnait une cloche), et alors seulement se tourna vers son fils qu’il prit sous ses aisselles, enleva de terre et approcha de son visage.

Pendant que se passait tout ceci, Néjdanof s’était glissé hors de la calèche comme un délinquant, et il était resté près de la roue de derrière, sans ôter son bonnet et regardant en dessous… Valentine, tout en embrassant son mari, avait jeté un coup d’œil scrutateur par-dessus son épaule sur ce visage nouveau ; Sipiaguine l’avait prévenue qu’il amènerait un précepteur.

Alors toute la société, sans cesser d’échanger des compliments et des poignées de main avec le maître du logis nouvellement arrivé, se dirigea vers l’escalier, garni des deux côtés par les principaux serviteurs et servantes. Ils ne vinrent pas baiser la main du « barine », cette coutume asiatique ayant été depuis longtemps abolie, et se bornèrent à saluer respectueusement. Sipiaguine leur rendit leurs saluts, plutôt des sourcils et du nez que de la tête.

Néjdanof s’avança à son tour sur les larges marches ; comme il entrait dans l’antichambre, Sipiaguine, qui le cherchait des yeux, le présenta à sa femme, à Marianne et à sa tante, puis il dit à Kolia :

« Voici ton précepteur, je te prie de lui obéir ; donne-lui la main. »

Kolia tendit timidement la main à Néjdanof, puis le regarda fixement ; mais, ne trouvant apparemment en lui rien de particulier ni d’agréable, il se raccrocha à son « papa ».

Néjdanof se sentait mal à l’aise. Comme au théâtre, il portait un vieux paletot passablement fripé ; la poussière du voyage couvrait son visage et ses mains. Mme Sipiaguine lui dit un mot aimable, mais il ne l’entendit pas bien, et fit seulement la remarque qu’elle jetait sur son