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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/22

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style.) On ne se voit guère, chacun reste sur son perchoir comme une chouette. Où peuvent aller messieurs les voyageurs ? Nulle part en vérité. »

Ardalion me jeta un regard oblique.

« Écoutez donc, reprit-il après un instant de silence, si par hasard vous vous trouviez en disposition de… » Il me regarda de nouveau en dessous, mais probablement il ne me trouva pas dans la disposition qu’il fallait. Le garçon civilisé se dirigea vers la porte, fit mine de réfléchir, puis, se retournant, s’approcha de moi, et, penché à mon oreille, il me dit avec un sourire enjoué :

« Si monsieur voulait voir des morts ? »

Je le regardai avec stupéfaction.

« Oui, continua-t-il à voix basse, nous avons ici un homme pour cela. Mon Dieu, c’est un pauvre garçon, sans lettres, et pourtant il fait des choses extraordinaires. Si par exemple on se présente à lui et qu’on veuille voir n’importe quel défunt de sa connaissance, il vous le montre tel quel.

— Comment cela ?

— C’est son secret, car bien que ce soit un homme qui n’a pas étudié, à vrai dire, qui ne sait pas dire deux…, il a la foi, il est fort dans les choses divines. Les marchands ont beaucoup de respect pour lui.

— Est-ce qu’on sait cela dans la ville ?

— Ceux qui en ont besoin le savent ; mais pourtant, à cause de la police, on y fait des façons, parce que, on a beau faire, ces choses-là sont défendues, et pour les gens du peuple… cela fait du scandale. Les