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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/249

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L’Abandonnée.

le surlendemain je me rendis chez lui, j’appris qu’il était parti pour une terre appartenant à son oncle, non loin de Moscou. Je demandai s’il n’avait pas laissé quelques lignes à mon adresse ; non, il n’y avait rien. Le domestique, interrogé par moi, répondit qu’il ignorait combien de temps son maître resterait dans cette terre :

« Quinze jours au moins, peut-être davantage, à ce que je pense, » dit-il.

À tout hasard, je me fis donner l’adresse exacte de Fustow ; puis je rentrai chez moi, fort intrigué. Ce brusque départ pour la campagne, au cœur de l’hiver, me semblait inexplicable. Pendant le dîner, ma bonne tante remarqua tout haut que j’avais l’air d’attendre quelque chose, et que je regardais le gâteau traditionnel comme si je le voyais pour la première fois.

« Vous n’êtes pas amoureux, Pierre ? » me demanda-t-elle lorsque la table fut levée, et après avoir eu soin d’éloigner ses dames de compagnie.

Je la rassurai : non, en effet, je n’étais pas amoureux.

XVI

Trois jours pouvaient s’être écoulés. Je désirais vivement faire une visite chez Ratsch, car là j’espérais trouver l’explication de tout ce qui m’avait si fort préoccupé dans les derniers temps, de tout ce qui restait encore si mystérieux pour moi. Mais il eût