Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/117

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calme paisible et heureux auquel le cœur de l’homme répond par la douce langueur d’une sympathie mystérieuse et par de vagues désirs.

Au moment où Natalie traversait une longue allée de peupliers argentés qui bordaient l’étang, elle vit apparaître Roudine devant elle comme s’il sortait tout à coup de la terre. Elle se troubla. Il fixa ses yeux sur ceux de la jeune fille, et lui dit :

— Vous êtes seule ?

— Oui, je suis seule, répondit Natalie. Je ne suis du reste sortie que pour une minute ; il est temps que je rentre.

— Je vous accompagnerai.

Et il se mit à marcher à ses côtés.

— Vous me semblez triste, ajouta-t-il après un court silence.

— Moi… Cela est singulier ! J’allais vous adresser la même question. Je vous trouve un air mélancolique.

— C’est possible… Cela m’arrive. Mais on le comprend mieux chez moi que chez vous, Natalie.

— Pourquoi cela ? Pensez-vous que je n’aie aucune raison d’être triste ?

— À votre âge on doit jouir de la vie.

Natalie fit quelques pas en silence.

— Dimitri Nicolaïtch ! dit-elle.

— Que me voulez-vous ?

— Vous rappelez-vous la comparaison que vous avez faite hier à propos d’un chêne ?