Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/12

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tantôt mouchetées de rouge, couraient avec un léger murmure sur les grands seigles ondoyants. Les alouettes chantaient dans les cieux.

La jeune femme venait de son château, qui se trouvait à une verste environ du village où aboutissait le sentier ; elle s’appelait Alexandra Pawlowna Lissina. Elle était veuve, sans enfants et passablement riche, et demeurait avec son frère, capitaine en retraite, nommé Serge Pawlowitch Volinzoff. Il était garçon et administrait les biens de sa sœur. Alexandra Pawlowna parvint au village, s’arrêta devant la première cabane, basse et chétive habitation, et appela son petit Cosaque pour lui dire d’aller demander des nouvelles de la maîtresse du logis. L’enfant revint bientôt, accompagné d’un vieux paysan infirme, à barbe blanche.

— Eh bien ? demanda Alexandra Pawlowna.

— Elle vit encore… répondit le vieillard.

— Peut-on entrer ?

— Pourquoi pas ? certainement.

Alexandra Pawlowna entra dans la cabane. On y était à l’étroit, la chambre était enfumée, la chaleur suffocante… Quelqu’un s’agitait et gémissait sur le poêle[1]. Alexandra Pawlowna jeta un regard autour d’elle, et distingua dans la demi-obscurité la figure jaune et ridée d’une vieille femme dont la tête était enveloppée d’un mouchoir quadrillé. Un lourd caftan

  1. Les paysans russes couchent habituellement sur leurs poêles, qui touchent presque au plafond.