Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/158

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Tout ce qui reste à faire, c’est de crier, à la façon d’un musulman : « Allah ! Allah ! » et de mettre son doigt dans sa bouche en signe d’étonnement. Il s’en va… Soit ! Que le chemin se déroule comme une nappe sous ses pieds ! Mais le plus curieux, c’est que le devoir seul l’a poussé à t’écrire cette lettre ; c’est aussi par sentiment du devoir qu’il a apparu chez toi… Ces messieurs trouvent un devoir à remplir à chaque pas, tout est devoir pour eux… Ou dette[1], continua Lejnieff avec un sourire en montrant le post-scriptum.

— Quel faiseur de phrases ! s’écria Volinzoff. Il s’est trompé sur mon compte : il s’attendait à me voir supérieur au milieu… Quelles absurdités, bon Dieu !

Lejnieff ne répondit pas. Ses yeux seuls souriaient. Volinzoff s’était levé.

— J’ai envie d’aller chez Daria, dit-il, je veux savoir ce que signifie tout cela.

— Ne te presse pas, frère, laisse-lui le temps de partir. À quoi bon aller de nouveau te heurter contre lui ? Tu vois qu’il s’en va. Que peux-tu désirer de plus ? Il vaudrait mieux aller te coucher et dormir ; tu as passé toute la nuit à te retourner dans ton lit. Maintenant tes affaires s’arrangent…

— D’où tires-tu cette conviction ?

— C’est mon idée ; allons, va te coucher, moi j’irai chez ta sœur, je veux lui tenir compagnie.

  1. Le même mot en russe signifie dette et devoir.