Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/172

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« Je reste sur la terre uniquement pour me livrer à d’autres occupations, à des occupations plus dignes de moi, ainsi que vous l’avez dit ce matin avec un cruel sourire. Hélas ! pourrai-je réellement m’adonner à ces occupations, pourrai-je surmonter ma paresse ?… Mais non ! je serai toute ma vie cet être incomplet que j’ai été jusqu’à présent… Devant le premier obstacle je tomberai en poussière. Ce qui s’est passé entre nous l’a déjà prouvé. Si, du moins, j’avais sacrifié mon amour à mon activité future, à ma vocation ; mais non, je n’ai reculé que devant la responsabilité qui me menaçait et devant la certitude de n’être pas digne de vous. Je ne vaux pas la peine que vous sortiez pour moi de votre sphère où, tôt ou tard, le bonheur vous attend… D’ailleurs, tout ce qui est arrivé est sans doute pour le mieux. Cette épreuve me laissera peut-être plus pur et plus fort.

« Je vous souhaite le bonheur le plus constant. Adieu ! souvenez-vous quelquefois de moi. J’espère que vous entendrez encore parler de « ROUDINE. »

Natalie laissa tomber la lettre de Roudine sur ses genoux et resta longtemps immobile, les yeux fixés à terre. Cette lettre lui prouvait plus clairement que tous les témoignages possibles combien elle avait eu raison le matin, lorsqu’en quittant Roudine elle s’était involontairement écriée qu’il ne l’aimait pas. Mais