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XIV


Plusieurs années avaient encore passé.

Par une froide journée d’automne, une voiture de voyage s’arrêta devant le perron du plus bel hôtel du chef-lieu du gouvernement de C***. Un monsieur d’un certain âge en descendit en s’étirant les bras avec force soupirs. Il n’était pas encore vieux, mais il avait atteint déjà cette obésité modérée qu’on est convenu d’appeler respectable. Le voyageur franchit assez rapidement l’escalier jusqu’au second étage et s’arrêta à l’entrée d’un large corridor. Ne voyant personne autour de lui, il éleva la voix pour demander une chambre. Une porte s’ouvrit aussitôt et un garçon efflanqué, sortant de l’ombre d’un paravent, se mit en devoir de lui montrer son chemin. Il se glissait respectueusement le long d’un mur en faisant reluire de temps à autre, malgré la demi-obscurité, son dos râpé et ses manches retroussées.

Entré dans sa chambre, l’étranger se débarrassa de son manteau et de son cache-nez, s’assit sur le divan, appuya ses poings sur ses genoux, regarda un instant autour de lui comme s’il sortait d’un rêve, et ordonna au garçon de faire monter le domestique qu’il avait laissé auprès de la voiture.

Le garçon s’inclina humblement et sortit.