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Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/200

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— Ne me reconnaissez-vous pas ? demanda Lejnieff.

— Michaël Michaëlowitch ! s’écria Roudine en lui tendant la main. Mais il se ravisa aussitôt et laissa retomber son bras.

Lejnieff saisit vivement sa main entre les deux siennes.

— Venez, entrez chez moi, dit-il à Roudine en l’emmenant dans sa chambre. — Comme vous avez changé ! reprit Lejnieff après un instant de silence et en baissant involontairement la voix.

— On le dit, répondit Roudine en parcourant la chambre d’un regard morne. Que voulez-vous ! ce sont les années… Quant à vous, toujours le même. Comment se porte Alexandra… je veux dire votre femme ?

— Merci mille fois, elle va fort bien. Mais par quel hasard êtes-vous ici ?

— Moi ? Ce serait long à raconter. Au fait, c’est bien le hasard qui m’a conduit en ce lieu. Je suis à la recherche d’une de mes connaissances. Du reste, je me félicite fort de ce hasard.

— Où dînez-vous ?

— Moi, je n’en sais rien : dans une auberge quelconque. Je suis obligé de partir aujourd’hui.

— Obligé ?

Roudine sourit d’une manière significative.

— Obligé, oui. On m’envoie à la campagne avec l’ordre d’y résider désormais.

— Dînez avec moi.