Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/210

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Roudine se mit à regarder par la fenêtre.

— Je te jure pourtant que l’entreprise n’était pas mauvaise. Les profits auraient pu être immenses.

— Où s’est réfugié ce Kourbéeff ? demanda Lejnieff.

— Lui ! il est en Sibérie. À présent, il cherche de l’or. Mais, sois-en certain, il fera fortune un jour ou l’autre.

— Je le veux bien ; mais ce qui est également certain, c’est que toi, tu resteras pauvre.

— Moi ! que veux-tu ? D’ailleurs, je sais que j’ai toujours passé à tes yeux pour un homme nul.

— Toi ! quelle folie ! frère ! Il y eut un temps, il est vrai, où les mauvais côtés de ta nature seuls me sautaient aux yeux ; mais maintenant, crois-moi, je commence à savoir t’apprécier avec plus de justice. Tu n’es pas capable de faire fortune… Eh bien ! je t’aime à cause de cela.

Roudine sourit faiblement.

— Oui, vraiment, je t’en estime davantage, répéta Lejnieff ; me comprends-tu ? Ils restèrent silencieux tous les deux.

— Voyons, passons-nous au numéro 3 ? demanda Roudine.

— Fais-moi ce plaisir.

— Volontiers. Troisième et dernière aventure… Mais est-ce que je ne t’ennuie pas ?

— Raconte, raconte.

— Eh bien ! reprit Roudine, voilà qu’en un jour de loisir (j’ai toujours eu beaucoup de loisirs) il me