Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/23

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Michaëlowna, dit Konstantin. Permettez-moi de prendre congé de vous.

Konstantin s’arrêta.

— Vous ne voulez pas entrer un instant ? demanda-t-elle d’une voix mal assurée.

— Je le désirerais de grand cœur, mais je crains d’être en retard. Daria Michaëlowna a envie d’entendre une nouvelle fantaisie de Thalberg ; il faut que je m’y prépare et que je l’étudie. J’avoue que je doute fort, d’ailleurs, que ma conversation vous procure quelque plaisir.

— Mais, pourquoi pas ?

Konstantin soupira et baissa les yeux d’une manière expressive.

— Au revoir, Alexandra Pawlowna, dit-il après un instant de silence. Il salua et fit un pas en arrière.

Alexandra Pawlowna se retourna, puis rentra chez elle. Konstantin suivit son chemin. En un clin d’œil toute douceur avait disparu de son visage, pour faire place à une expression d’assurance, presque de rudesse. Sa démarche même était changée. Il faisait des pas plus longs et marchait plus lourdement. Il fit deux verstes en agitant sa canne, mais tout à coup il sourit de nouveau en voyant près de la route une jeune paysanne bien tournée qui pourchassait des veaux dans un champ d’avoine. Konstantin s’approcha de la jeune fille avec toute la prudence d’un chat et entra en conversation avec elle. Elle se tut d’abord, rougit, releva