Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/250

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du bois appuyée sur son cavalier. Ils s’arrêtèrent à leur tour pour admirer ce magnifique tableau. La vieille dame fit une question à sa fille, et je me rappelle mon tressaillement involontaire quand la voix de Lise résonna avec une vibration cristalline en répondant à sa mère. Le soleil s’était couché pendant ce temps, et l’incendie du soir commençait à s’éteindre. Nous retournâmes sur nos pas. Je repris le bras de Lise. Il faisait encore assez clair dans le bois, et je pouvais distinguer ses traits. La rougeur qui s’était répandue sur tout son visage n’avait pas encore disparu : elle semblait être encore enveloppée des rayons du soleil couchant. Son bras effleurait à peine le mien. Je fus longtemps avant d’oser parler, tant mon cœur battait fortement. Une voiture apparut dans le lointain à travers les arbres : c’était le cocher qui venait à notre rencontre, au pas, sur la route sourde et sablonneuse.

– Élisabeth Cyrillovna, dis-je enfin, pourquoi donc pleuriez-vous ?

– Je ne sais, répondit-elle après un instant de silence.

Elle fixa sur moi ses yeux encore humides de larmes. Son regard me parut transformé.

– Je vois que vous aimez la nature ? repris-je. Ce n’était pas là du tout ce que j’avais voulu dire, et j’eus de la peine à balbutier la fin de cette phrase. Elle secoua la tête. Je n’étais plus en état de prononcer une syllabe… J’attendais je ne sais quoi ;… était-ce un aveu ? Allons donc ! J’attendais un regard