Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/316

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blanchissait comme de la craie aux rayons de la lune. Les volets de la maison étaient clos comme d’habitude. J’ai oublié de dire qu’il y avait plus de huit jours que je n’étais retourné à Glinnoë. Je me promenai pendant plus d’une demi-heure le long de l’enclos et finis par attirer l’attention d’un vieux chien de garde qui, sans aboyer, se mit à fixer sur moi, avec une ironie singulière, ses yeux à demi fermés. Je compris son avis, et m’éloignai. À peine avais-je fait une demi-verste que j’entendis derrière moi le piétinement d’un cheval. Quelques instants après, un cavalier passa au grand trot : il se tourna vers moi d’un mouvement rapide ; mais la visière de sa casquette rabattue sur ses yeux ne me permit de voir qu’une jolie moustache et un nez aquilin. Il disparut promptement dans la forêt. – Le voilà donc ! pensai-je, et mon cœur se mit à palpiter d’une étrange façon. Il me semblait que je l’avais reconnu. Sa figure me rappelait réellement celle de l’homme que j’avais vu entrer par la petite porte du jardin de Sorrente. Une demi-heure après, de retour chez mon hôte de Glinnoë, je le réveillai et le questionnai aussitôt sur les nouveaux habitants de la maison voisine. Il me répondit avec effort que les propriétaires venaient d’arriver.

– Quels propriétaires ? répliquai-je avec impatience.

– On sait bien lesquels… Les seigneurs, répondit-il d’une voix traînante.

– Quels seigneurs ?