Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/335

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moi et m’eût dit :

– Après tout, tu ne sauras rien… Bref, je perdis patience, et un jour je me rendis à Glinnoë. Je dois avouer que je ressentis une agitation assez vive en m’approchant de la mystérieuse habitation. Il n’y avait rien de changé dans l’extérieur de la maison : les mêmes fenêtres fermées, le même aspect lugubre et délaissé ; seulement, au lieu de Loukianitch, c’était un jeune garçon d’environ vingt ans qui était assis sur le banc, au devant de la petite aile. Il portait un long cafetan en nankin et une chemise rouge. Il sommeillait la tête inclinée sur la paume de sa main. Par moments sa tête était prise d’un mouvement oscillatoire, puis il la relevait en sursaut.

– Bonjour, frère, lui dis-je à haute voix.

Il se leva vivement et dirigea sur moi de grands yeux étonnés.

– Bonjour, frère, répétai-je. Et où est le vieux ?

– Quel vieux ? demanda lentement le gamin.

– Loukianitch.

– Loukianitch ! – Il regarda de côté. – Vous avez besoin de Loukianitch ?

– Oui. N’est-il pas à la maison ?

– Non, dit le garçon en balbutiant ; il… Comment vous le dire ?

– Est-il malade ?

– Non.

– Eh bien ! quoi ?

– Il n’y est plus.

– Comment !