Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/83

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vait se tromper sur le caractère du sentiment qu’il inspirait lui-même ; c’était celui d’une bienveillance affectueuse sans doute, mais froide et réservée. Volinzoff n’en espérait pas d’autre. Il comptait sur l’influence du temps et de l’habitude pour rapprocher de lui Natalie. Mais qui avait pu agiter à ce point aujourd’hui Volinzoff ? Quel changement avait-il surpris pendant ces deux journées ? Natalie s’était conduite cependant vis-à-vis de lui comme par le passé.

Son âme avait-elle été frappée de l’idée qu’il ne connaissait peut-être pas bien le caractère de Natalie, et qu’elle était plus éloignée de lui qu’il ne l’avait cru ? La jalousie s’était-elle éveillée en lui ? Pressentait-il confusément quelque malheur ?…

En rentrant chez sa sœur il y trouva Lejnieff.

— Pourquoi reviens-tu si tôt ? lui demanda Alexandra Pawlowna.

— Je ne sais, je m’ennuyais un peu.

— Roudine y était-il ?

— Il y était.

Volinzoff jeta sa casquette et s’assit.

Alexandra Pawlowna se tourna vivement vers lui.

— Je t’en prie, Serge, aide-moi à convaincre cet entêté (elle désignait Lejnieff) que Roudine est un homme d’un esprit et d’une éloquence extraordinaires.

Volinzoff murmura quelques mots qu’on n’entendit pas.

— Mais je ne doute nullement de l’esprit ni de