Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/87

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homme ? Je crois vraiment que vous ne valez guère mieux que Pigassoff. Je suis convaincue que ce que vous me dites est exact, que vous n’ajoutez rien, et cependant, sous quel jour défavorable avez-vous présenté tout cela ? Sa mère, cette pauvre vieille, son dévouement, sa mort solitaire… À quoi bon tout cela ? Savez-vous qu’on peut raconter la vie du meilleur des hommes avec des couleurs telles — et sans y rien ajouter, remarquez-le — que chacun en aura peur ? C’est là aussi une espèce de calomnie.

Lejnieff se leva et se promena de nouveau dans la chambre.

— Je n’ai nullement envie de vous tromper, Alexandra Pawlowna, répliqua-t-il enfin. — Je ne suis pas un calomniateur. Au reste, continua-t-il après un moment de réflexion, il y a réellement une ombre de vérité dans ce que vous dites. Je ne calomnie pas Roudine, mais qui sait ? Peut-être a-t-il changé depuis ce temps-là. Peut-être suis-je injuste envers lui.

— Alors, promettez-moi de renouveler connaissance avec lui, d’apprendre à le bien connaître et de me dire ensuite votre opinion définitive sur son compte.

— Fort bien… Mais pourquoi te tais-tu ainsi, Serge Pawlitch ?

Volinzoff frissonna, et releva la tête comme si on venait de le réveiller.

— Que voulez-vous que je dise ? je ne le connais pas. De plus, je suis indisposé aujourd’hui.