Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/89

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aussitôt à m’expliquer pourquoi j’éternue au lieu de tousser. S’il adresse des louanges à quelqu’un, c’est comme s’il le faisait monter d’un rang dans l’échelle sociale. Si, au contraire, il se retourne contre lui-même et commence à s’injurier amèrement, il finit par se traîner dans la boue. Allons, se dit-on, voilà qu’il ne va plus oser se montrer au grand jour. Eh bien, non ! il n’en devient que plus gai, comme s’il avait pris un petit verre d’absinthe.

Quant à Pandalewski, il avait assez peur de Roudine et ne lui faisait sa cour qu’avec mille précautions.

Volinzoff se trouvait dans une singulière position vis-à-vis du nouveau venu. Roudine le comparait à un chevalier et le portait aux nues, qu’il fût présent ou non ; mais ses compliments les plus flatteurs n’inspiraient à Volinzoff que de l’impatience et du dépit. « Il se moque à coup sûr de moi », se disait-il, et à cette pensée il sentait dans son cœur un mouvement de haine. Volinzoff avait beau essayer de se vaincre, il était jaloux de Roudine. Celui-ci, tout en le louant hautement, tout en l’appelant chevalier et en lui empruntant son argent, n’était guère mieux disposé pour lui. Il eût été difficile de déterminer exactement ce que ressentaient ces deux hommes lorsqu’ils se serraient amicalement la main et que leurs regards se croisaient.

Bassistoff continuait de révérer Roudine et de saisir au vol chacune de ses paroles. Roudine lui accordait d’ailleurs assez peu d’attention. Une fois pourtant il