Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/105

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— Il n’y a pas longtemps, répondit Litvinof.

— Et avez-vous l’intention d’y prolonger votre séjour ? continua l’obséquieux général.

— Je ne suis pas encore décidé.

— Ah ! c’est très agréable.

Le général se tut, Litvinof également ; tous deux tenaient leur chapeau à la main et se regardaient réciproquement les sourcils.

— « Deux gendarmes, un beau dimanche, » entonna, naturellement à faux, — jusqu’à présent il ne nous a pas été donné de rencontrer un gentleman russe qui ne chantât pas faux, — entonna, dis-je, un général myope, jaune, avec une perpétuelle expression d’irritation sur le visage, comme s’il ne pouvait se pardonner à lui-même sa physionomie. Il était le seul qui ne ressemblât pas à une rose.

— Mais pourquoi ne vous asseyez-vous pas, Grégoire Mikhailovitch ? dit enfin Irène.

Litvinof s’y résigna. « I say, Valerien, give me some fire, » dit un autre général, également jeune et déjà gros, avec des yeux immobiles, fixés en l’air, et des favoris touffus et soyeux que des mains d’un blanc de neige caressaient lentement. Ratmirof lui passa un porte-allumettes en argent.

— Avez-vous des cigarettes ? grasseya une des dames.

— De vrais papelitos, comtesse.

— « Deux gendarmes, un beau dimanche, » poursuivit, presque avec un grincement de dents, le général myope.