Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/167

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entendre cette interrogation lorsqu’un des assistants disait ou commettait quelque sottise, ce qui arriva plus d’une fois dans le courant de la soirée. Une fois elle n’y tint pas et éclata de rire.

Très superstitieuse et portée au merveilleux, la comtesse Lise, après avoir épuisé avec le spirite albinos la conversation sur Home, finit par lui demander s’il existait des animaux sensibles au magnétisme.

— Il en existe au moins un, s’écria du bout du salon le prince Coco. Vous connaissez Milvanosky ? On l’endormit devant moi, et en une seconde il ronfla… hi ! hi !

— Vous êtes très méchant, mon prince, je parle des véritables animaux, je parle des bêtes.

— Mais moi aussi, madame, je parle d’une bête…

— Il y en a, déclara le spirite ; par exemple, les écrevisses : elles sont très nerveuses, et tombent facilement en catalepsie.

La comtesse montra un grand étonnement.

— Comment ! les écrevisses ! est-ce possible ? Ah ! c’est extrêmement curieux ! Je voudrais bien voir cela, Monsieur Loujine, ajouta-t-elle en se tournant vers un jeune homme qui avait une figure de cire comme une poupée, et portait des cols durs comme du marbre (il était très fier d’avoir humecté ses cols à la poussière des cataractes du Niagara et du Nil, mais ne se souvenait de rien autre de tous ses voyages, et n’aimait que les calembours