un républicain dans le genre de votre autre ami, M. Potoughine ; en voilà encore un génie muet !
Les cils d’Irène se soulevèrent lentement, ses grands yeux devinrent brillants ; ses lèvres se serrèrent par une légère contraction.
— Pourquoi dites-vous cela, Valérien Vladimirovitch ? remarqua-t-elle d’un air de feinte compassion. Vous donnez des coups d’épée dans l’eau… Nous ne sommes pas en Russie, et personne ne vous entend.
Ratmirof eut une crispation involontaire.
— Ce n’est pas seulement mon opinion, Irène Pavlovna, reprit-il avec une voix subitement creuse ; d’autres trouvent que ce monsieur a l’air d’un carbonaro.
— Vraiment ? Quels sont ces autres ?
— Mais Boris, par exemple…
— Comment ? celui-là aussi a senti le besoin d’exprimer son opinion ?
Irène fit un mouvement, comme si elle avait froid, et caressa son épaule du bout de ses doigts.
— Celui-là… oui, celui-là… Permettez-moi de vous faire observer, Irène Pavlovna, que vous vous fâchez, et vous savez, celui qui se fâche…
— Je me fâche ? À quel propos ?
— Je ne sais ? peut-être avez-vous été désagréablement impressionnée par la remarque que j’ai faite sur le compte…
Ratmirof s’arrêta.
— Sur le compte ? répéta impérativement Irène.