Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/224

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Capitoline Markovna consulta de l’œil sa nièce.

— Allons, tante, je suis prête, dit celle-ci, mais ne vaut-il pas mieux rester à la maison ?

— Soit ! nous boirons le thé à notre manière, à la moscovite, avec un samovar, et nous bavarderons gentiment ; nous n’avons pas encore babillé comme il faut.

Litvinof fit apporter du thé, mais la conversation ne marcha pas comme le samovar. Il sentait un perpétuel remords de conscience ; il lui semblait que tout ce qu’il disait n’était que mensonge, et que Tatiana n’en était pas dupe. Cependant aucun changement ne se remarquait en elle ; seulement son regard ne se reposa pas une seule fois sur Litvinof, mais glissait autour de lui avec une sorte de compassion timide, et elle était plus pâle que d’habitude. Capitoline Markovna lui demanda si elle n’avait pas mal à la tête.

Tatiana voulut répondre négativement, mais, réflexion faite, elle dit : « Oui, un peu. »

— Cela tient à la fatigue de la route, remarqua Litvinof en rougissant de ce qu’il disait.

— C’est de la fatigue, répéta Tatiana, et son regard glissa de nouveau sur lui.

— Il faut te reposer, Tanioucha.

— J’irai bientôt me coucher, tante.

Le Guide des Voyageurs était sur la table ; Litvinof se mit à lire à demi-voix la description des environs de Bade.

— Tout cela est charmant, interrompit Capito-