Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/265

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chambre, emballa de nouveau toutes ses affaires, sans se presser et même avec une sorte de régularité hébétée ; il sonna le garçon d’auberge, paya sa note et envoya à Irène un billet en russe, contenant ce qui suit :

« J’ignore si vous êtes maintenant plus coupable à mon égard que naguère, mais je sais que le coup actuel est beaucoup plus violent… C’est la fin. Vous me dites : je ne puis ; je vous répète également : je ne puis… faire ce que vous voulez ; je ne le puis ni ne le veux. Ne me répondez pas. Vous n’êtes pas capable de me donner l’unique réponse que j’accepterais. Je pars demain de bonne heure par le premier train. Adieu, soyez heureuse. Il est probable que nous ne nous reverrons plus. »

Litvinof ne sortit pas de tout le jour de chez lui. Attendait-il quelque chose ? Dieu le sait ! Vers sept heures, une dame, couverte d’une mantille noire, un voile épais sur le visage, s’approcha deux fois du perron de son auberge. Après s’être retirée un peu de côté et avoir épié quelque chose, elle fit tout à coup un signe décisif avec la main et se dirigea résolument une troisième fois vers le perron.

— Où allez-vous, Irène Pavlovna ? dit derrière elle une voix essoufflée.

Elle se retourna par un mouvement convulsif… Potoughine courait après elle. Elle s’arrêta, réfléchit une seconde, alla à sa rencontre, prit sa main et l’entraîna.

— Emmenez-moi, emmenez-moi, lui dit-elle hors d’haleine.