Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE III


— Bah ! bah ! bah ! le voilà ! s’écria tout à coup une voix glapissante à son oreille, tandis qu’une lourde main s’appesantissait sur son épaule. Il souleva la tête et reconnut une de ses rares connaissances moscovites, un certain Bambaéf, bon enfant, c’est-à-dire nul. Déjà sur le retour, celui-ci avait des joues et un nez mous comme s’ils avaient été cuits, des cheveux gras et ébouriffés, un corps épais et flasque. Toujours sans le sou, toujours enthousiasmé de quelque chose, Rostislaf Bambaéf parcourait sans but, mais non sans bruit, la vaste surface de notre patiente mère commune, la terre.

— Voilà ce qui s’appelle une rencontre, répéta-t-il, en ouvrant ses yeux bouffis et en avançant ses grosses lèvres, au-dessus desquelles se hérissaient de misérables petites moustaches teintes. Voilà ce que c’est que Baden ! tous viennent s’y fourrer comme des blattes derrière un poêle ! Qu’est-ce qui t’amène ici ?

Bambaéf tutoyait l’univers entier.

— Il y a quatre jours que j’y suis.

— Et d’où viens-tu ?