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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 5

Fédia. Dès que nous eûmes pris place, M. Poloutykine s’ég cria d’un ton solennel :

Hé ! qu’on place ici Astronome ! ·· Fédia prit plaisir à soulever en l’air le chien un peu surs pris, médiocrement charmé, et le déposa à nos pieds sous le siège, qui était formé d’une planche étroite. Vacia lâclia la j bride. A

Nous roulions depuis un’quart d’heure. Voici mon comptoir, me dit Poloutykine en me montrant I une maisonnette fort basse. Voulez-vous entrer ? — Volontiers.

I — Le local est vacant, mais vous allez voir quelle eau fai là. »

La maison se composait de deux chambres vides. Un vieux gardien borgne accourut.

Bonjour, Miniaitch ; apporte-nous de l’eau, »· dit le maître.

j Le vieillard sortit et’reparut avec une bouteille d’une eau très-pure et très-froide, et deux verres ; c’était de l’eau de source. Nous en bûmes chacun un verre, et le vieillard nous saluait pendant l’opération, comme si, pour nous remercier d’avoir songé à son nectar, il faisait à ses précieux hôtes mille souhaits de santé et de joyeuse vie. çà, à présent, nous pouvons nous remettre en route, me dit mon compagnon. C’est ici que j’ai vendu, et bien vendu, au marchand Allélouief quatre arpents de forêt. · » Une demi-heure après nous entrions dans l’enceinte de l’habitation seigneuriale.

Dites-moi, je vous prie, dis-je à Poloutykine en soupant, d’où vient que Khor a su se faire une closerie où il vit séparé de vos autres paysans ?

— C’est que j’ai en lui un gaillard très-avisé ; il y a vingt-cinq ans, sa chaumière brûla ; il vint trouver feu mon père, et lui demanda la permission, moyennant une redevance très-acceptable, d’aller se faire dans une éclaircie du bois, à portée d’un marais, une habitation pour lui et pour la famille que Dieu voudrait bien lui donner. Et pourquoi aller vivre dans un marécage ? dit mon