Page:Tourgueniev - Mémoires d’un seigneur russe.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’UN SEIGNEUR RUSSE. 45

—Qu’est-ce que j’irais faire là ? Songe donc que j’ai à ’ payer ; je n’ai pas payé.... Mon garçon, avant de mourir, a été tout un an malade, et iui-même n’a pas payé sa redel vance. Bah ! c’est pour moi un demi-mal, on ne prend rien de qui n’a rien.... »

Et parlant à l’intendant comme s’il était là, ou plutôt comme il penserait à sa vue : « Tortille-toi comme tu voudras, frère. Eh bien ! quoi, ma tête est un triste gage, et il · n’y a que ça.... (Il ritd’un singulier rire et continue.) Tu as beau Vingénier, Kintifian-Séménitch, c’est comme cela.... ·• Et il rit de nouveau.

Ah ! frère Vlass, c’est.... mauvais, cela, mauvais, oui, marmotta Touman.

En quoi si mauvais ? l’all.... » La voix de Vlass s’arrêta, puis il reprit : « Voilà des chaleurs ! » et il s’essuya le visage de sa manche.

Quel est votre seigneur ? demandai-je au paysan. — Le comte B"*** Valérian Pétrovitch. ’ = — Fils du comte Pierre IIIitch ? ’

-oui, le fils du comte Pierre, répondit Touman. Feu le comte Pierre IIIitch, de son vivant, avait heureusement, en faveur de son fils, détaché de sa terre le village appelé Wlassof. Le comte Valérian se porte-t-il bien ? dit-il àVlass. — Il se porte à merveille, Dieu merci, répondit Vlass ; il est devenu si vermeil.... oh ! sa figure a bien gagné. — Voyez, monsieur, reprit Touman en s’adressant à moi à voix basse ; les paysans mis à la redevance dans les campagnes autour de Moscou, c’est parfait, mais dans nos districts, où voulez-vous qu’on la prenne ? »

- A combien est fixée la taille ? dis-je tout haut. -A quatre-vingt-quinze roubles, marmotta Vlass.’ —Eh bien, songez, bârine ; à Wlassof la terre n’est presque rien ; il n’y a que la forêt du seigneur qui peut avoir du rapport.

— Et on dit partout qu’elle est vendue, reprit le moujik, qui avait entendu les derniers mots de Touman. —Oui, vous voyez. Stéopa’, un ver ! Est-ce que tu dors, quoi donc ? ·