Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/132

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L’architecte du gouvernement avait construit ces deux édifices classiques à la grande satisfaction de M. Odintsof, qui ne pouvait souffrir les innovations futiles et imaginées à plaisir, comme il le disait. La maison était entourée des arbres de l’ancien jardin ; une allée de sapins, taillés en ifs, conduisait au péristyle.

Les jeunes gens trouvèrent dans l’antichambre deux grands laquais en livrée ; l’un d’eux courut immédiatement chercher le maître d’hôtel. Celui-ci, gros homme en frac noir, arriva sur le champ et conduisit les hôtes par un escalier couvert de tapis, dans une vaste chambre où se trouvaient déjà deux lits avec tout les objets nécessaires à la toilette. La maison était évidemment tenue sur un bon pied ; la propreté y régnait partout, et on y respirait je ne sais quel parfum officiel, comme dans les salons de réception des ministères.

— Anna Sergheïevna vous prie de vouloir bien descendre dans une demi heure, leur dit le maître d’hôtel ; avez-vous d’ici là quelques ordres à donner ?

— Aucun, digne serviteur ; répondit Bazarof, à moins que vous ne daigniez nous faire apporter un verre d’eau-de-vie.

— Très-bien, dit le maître d’hôtel, non sans surprise, et il s’éloigna en faisant crier ses bottes.

— Quel genre ! reprit Bazarof ; je crois que l’on nomme la chose ainsi chez vous autres ? C’est une grande duchesse, j’en reviens toujours là.

— Une fameuse grande duchesse ! dit Arcade ; elle