Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/134

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lissés étaient ramenés derrière ses oreilles et ce genre de coiffure, joint à la pureté et à la fraîcheur de sa figure, lui donnait un air de jeune fille.

— Je vous remercie de m’avoir tenu parole ; dit-elle ; j’espère que vous ne vous en irez pas de sitôt ; vous verrez qu’on n’est pas mal ici. Je vous présenterai à ma sœur ; elle joue fort bien du piano. Cela ne vous plaira guère, monsieur Bazarof ; mais vous, monsieur Kirsanof, je crois que vous aimez la musique. Outre ma sœur, nous avons encore une vieille tante, et un de nos voisins vient quelquefois faire une partie de cartes ; nous ne sommes pas nombreux, comme vous voyez. Maintenant, asseyons-nous si vous le voulez.

Ce petit speech fut prononcé avec une aisance parfaite, madame Odintsof semblait l’avoir appris par cœur. Elle engagea aussitôt la conversation avec Arcade. Il se trouvait que sa mère avait beaucoup connu la mère d’Arcade, et que celle-ci, étant encore jeune fille, lui avait fait la confidence de l’amour qu’elle ressentait pour Nicolas Petrovitch. Arcade parla avec animation de sa mère ; pendant qu’il causait ainsi, Bazarof feuilletait un album.

« Comme je suis devenu apprivoisé ; » se disait-il à lui-même.

Une jolie levrette au collier bleu clair accourut dans la chambre, en faisant crier le plancher sous ses griffes ; bientôt après parut une jeune fille de dix-huit ans environ, brune, avec de petits yeux foncés, et des cheveux noirs ; sa figure peu régulière ne manquait pas