Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/14

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ciait pas de rester sous l’œil de son maître, la porte de la cour et se mit en devoir d’allumer sa pipe. Kirsanof baissa la tête et arrêta les yeux sur les marches vermoulues de l’escalier ; un gros poulet, au plumage bigarré, s’y promenait gravement en frappant les planches de ses longues pattes jaunes ; un chat tout barbouillé de cendre le regardait d’un air peu amical du haut de la balustrade où il se tenait accroupi. Le soleil était brûlant ; de la chambre obscure qui servait d’entrée à l’auberge s’exhalait une odeur de pain de seigle fraîchement cuit. Kirsanof se prit à rêver : « Mon fils… candidat… Arkacha[1]… » se disait-il ; ces mots ne lui sortaient pas de la tête. Il se rappela sa femme : « Elle nous a quittés trop tôt, » murmura-t-il tristement. En ce moment un gros pigeon s’abattit sur la route et courut précipitamment boire dans une flaque d’eau près d’un puits. Kirsanof se mit à l’observer ; mais son oreille distinguait déjà dans l’éloignement le bruit d’une voiture…

— Ce pourrait bien être Monsieur fils, vint lui dire son domestique, qui sortit tout à coup de la porte cochère.

Kirsanof se releva brusquement et jeta les yeux sur la grand’route. Un tarantass attelé de trois chevaux ne tarda pas à se montrer. Bientôt après parut le bord d’une casquette d’étudiant abritant les traits chéris d’une figure bien connue…

  1. Diminutif d’Arkadi ou Arcade.