Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/156

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de ses plis moelleux ; à peine voyait-on le bout de ses pieds, qu’elle tenait également croisés.

— Et pourquoi resterais-je ? répondit Bazarof.

Madame Odintsof tourna un peu la tête.

— Comment pourquoi ? Est-ce que vous ne vous plaisez pas ici ? Pensez-vous que l’on ne vous y regrettera pas ?

— J’en doute.

— Vous avez tort de le penser ; répondit madame Odintsof après un moment de silence. — Du reste, je ne vous crois pas. Il est impossible que vous ayez dit cela sérieusement. — Bazarof restait toujours immobile. — Eugène Vassilitch, pourquoi vous taisez-vous ?

— Que voulez-vous que je vous dise ? Personne n’est digne de regret, et moi moins qu’un autre.

— Pourquoi cela ?

— Je suis un homme positif, peu intéressant. Je ne sais pas être aimable.

— Vous voudriez des compliments.

— Cela n’est pas dans mes habitudes. Ne savez-vous pas vous-même que le côté élégant de la vie m’est étranger, précisément celui que vous appréciez tant ?

Madame Odintsof mordit le coin de son mouchoir.

— Pensez-en ce qu’il vous plaira, mais je m’ennuierai, lorsque vous serez parti.

— Arcade restera ; dit Bazarof.

Madame Odintsof haussa un peu les épaules.

— Je m’ennuierai, répéta-t-elle.