seul après le départ de Bazarof lui semblait encore plus difficile. « Il s’est sans doute passé quelque chose entre eux, se dit-il ; à quoi bon resterais-je planté là devant elle après son départ ? Je lui déplairai décidément, et je me perdrai tout-à-fait auprès d’elle. » Il se représenta vivement Anna Serghéïevna, puis, d’autres traits remplacèrent peu à peu la figure de la jeune veuve…
— Katia me fait aussi de la peine ! chuchota Arcade contre son oreiller, sur lequel il venait de laisser tomber une larme… Mais rejetant tout à coup ses cheveux en arrière, il s’écria :
— Pourquoi diable cet imbécile de Sitnikof est-il arrivé ici ?
Bazarof se remua dans son lit.
— Je m’aperçois, mon cher, que tu es encore bien bête, dit-il enfin. Les Sitnikof nous sont indispensables. Les idiots de son espèce me sont absolument nécessaires. M’entends-tu ? Ce n’est pas aux dieux à faire les pots[1].
« Eh ! eh ! » se dit Arcade ; et pour la première fois se présenta à lui, dans toute sa grandeur, l’amour-propre de Bazarof. « Nous sommes donc des dieux, toi et moi ? je devrais dire, toi, car moi ne serais-je pas un idiot, par hasard ? »
— Oui, reprit Bazarof, tu es encore bête.
Madame Odintsof ne montra point une grande
- ↑ Proverbe russe.