Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/184

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homme maigre, aux cheveux hérissés, au nez mince et recourbé, vêtu d’une vieille capote militaire. Il se tenait les jambes écartées, une longue pipe à la main, et clignait des yeux comme pour se préserver du soleil.

Les chevaux s’arrêtèrent.

— Enfin, te voilà ! dit le père de Bazarof tout en continuant à fumer, quoique le tuyau de sa pipe parût danser entre ses doigts. — Allons ! descends ! descends ! que nous nous donnions une bonne accolade !

Il se mit à embrasser son fils.

— Enioucha ! Enioucha[1] ! cria dans la maison une voix tremblante. La porte du vestibule s’ouvrit et laissa paraître une petite vieille en bonnet blanc et en camisole courte à grands ramages. Elle jeta un cri, chancela et serait certainement tombée si Bazarof ne l’eût retenue. Ses petites mains potelées se croisèrent aussitôt autour du cou de ce dernier, et elle posa sa figure sur sa poitrine. Il se fit un grand silence. On n’entendait plus que des soupirs étouffés, des sanglots haletants… Le père de Bazarof clignait des yeux encore plus qu’auparavant.

— Allons ! Aricha ! en voilà assez, finis donc, dit-il enfin à sa femme, tout en échangeant un regard avec Arcade, qui se tenait immobile près du tarantass, tandis que le paysan assis sur le siège, s’était détourné tout ému lui-même ; c’est tout à fait inutile ! finis donc, je t’en prie.

  1. Enioucha, Eniouchenka, diminutifs d’Ievguéni, Eugène.