Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/19

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— Et tu m’as attendu longtemps ? demanda Arcade.

— J’étais là depuis près de cinq heures.

— Vraiment ? comme tu es bon !

Arcade se tourna vivement du côté de son père, et lui appliqua sur la joue un baiser bruyant. Kirsanof y répondit par un rire contenu.

— Quel beau cheval de selle je t’ai préparé ! reprit-il, tu verras ! Et j’ai fait mettre du papier dans ta chambre.

— Bazarof en aura-t-il une ?

— On le casera ; sois tranquille…

— Traite-le de ton mieux, je t’en prie. Je ne saurais te dire combien nous sommes amis.

— Le connais-tu depuis longtemps ?

— Non.

— C’est donc cela que je ne l’ai pas vu l’autre hiver. De quoi s’occupe-t-il ?

— Principalement des sciences naturelles. Mais il sait tout au monde ; il se propose de passer l’année prochaine son examen de docteur.

— Ah ! il étudie la médecine, reprit Kirsanof.

Et il se tut pendant quelques minutes.

— Pierre ! demanda-t-il tout à coup au domestique, ne sont-ce pas des paysans de chez nous qui passent là-bas ?

Le domestique tourna la tête du côté que son maître lui indiquait de la main. Plusieurs charrettes, dont les chevaux étaient débridés[1], roulaient avec rapidité sur

  1. Coutume étrange des paysans russes.