Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/197

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cher, reprit Bazarof. J’approuve la proposition. Allons !

Et disant adieu à sa mère, il la baisa au front ; tout en l’embrassant elle lui fit trois fois le signe de la croix derrière le dos. Vassili Ivanovitch conduisit Arcade dans sa chambre, et le quitta après lui avoir souhaité « le doux repos dont il jouissait lui-même à cet âge heureux. » Effectivement Arcade dormit fort bien dans sa petite chambre ; elle exhalait une odeur de copeaux frais, et deux grillons cachés derrière le poêle y criaient d’une façon qui disposait au sommeil. Vassili Ivanovitch passa de la chambre d’Arcade dans son propre cabinet ; et, s’étant assis sur le pied du lit de son fils, c’est-à-dire sur le divan, il se disposait à bavarder un peu ; mais Bazarof le renvoya immédiatement en lui disant qu’il avait sommeil ; pourtant il ne ferma pas l’œil de la nuit. Il promenait son regard hargneux au milieu de l’obscurité ; les souvenirs de l’enfance n’avaient aucun empire sur lui, et les tristes impressions de la veille agitaient encore son esprit. Arina Vlassievna pria dévotement devant ses images ; puis elle resta longtemps avec Anfisouchka, qui, plantée comme une statue devant sa maîtresse et la regardant de son œil unique, lui confiait mystérieusement, à voix basse, une foule de remarques et de suppositions relativement à Eugène Vassilievitch. La joie, le vin et la fumée du tabac avaient tellement ébranlé le cerveau d’Arina Vlassievna, que la tête lui tournait ; son mari s’était mis à causer avec elle, mais il y renonça bientôt, et s’éloigna en faisant un geste résigné de la main.