Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/228

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heures ils allaient repartir pour la ville. Elle se borna à pousser une petite exclamation, chargea Arcade de saluer son père de sa part, et envoya prévenir sa tante. La princesse arriva toute endormie, ce qui ajoutait encore à l’expression habituellement méchante de sa vieille figure jaune et flétrie. Katia était indisposée et ne quittait pas sa chambre. Arcade comprit en ce moment qu’il désirait voir Katia tout autant que la maîtresse de la maison. Quatre heures se passèrent à causer de choses indifférentes ; madame Odintsof parlait et écoutait sans sourire. Au moment du départ seulement, son ancienne affabilité sembla se ranimer.

— Vous devez me trouver bien morose, leur dit-elle, mais n’y faites pas attention, et venez me voir, tous les deux, entendez-vous bien, dans quelque temps.

Bazarof et Arcade ne lui répondirent qu’en s’inclinant, remontèrent en voiture et se firent conduire directement à Marino, où ils arrivèrent sans encombre le lendemain soir. Pendant la route, ni l’un ni l’autre ne prononça le nom de madame Odintsof ; Bazarof garda même presque constamment le silence, et tint les yeux fixés obstinément au loin.

On fut bien content de les voir à Marino. La longue absence de son fils commençait à inquiéter Kirsanof ; il poussa un cri, sauta sur son divan et se mit à agiter les pieds, lorsque Fénitchka entrant dans la chambre, les yeux animés par la joie, lui annonça les « jeunes seigneurs ». Paul, lui-même, éprouva une agréable surprise et sourit d’un air protecteur, en serrant la