Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/247

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— Je pourrais vous l’expliquer, reprit Paul ; mais j’aime mieux ne pas le faire. Je trouve que vous êtes de trop ici ; je ne peux pas vous souffrir, je vous méprise, et si cela ne vous paraît pas suffisant…

Les yeux de Paul étincelaient de colère ; ceux de Bazarof brillèrent aussi subitement.

— Très-bien, dit-il ; toute autre explication est superflue. Il vous a pris fantaisie d’exercer sur moi votre ardeur chevaleresque. J’aurais pu me refuser à vous procurer ce plaisir, mais qu’à cela ne tienne !

— Je vous suis fort obligé, répondit Paul ; je peux donc espérer que vous accepterez mon défi, sans m’obliger à recourir à des mesures coercitives.

— Ce qui veut dire, toute métaphore à part, à cette canne ? répondit froidement Bazarof. Vous avez parfaitement raison. Vous pouvez vous dispenser de m’insulter ; d’autant mieux que cela ne serait pas absolument sans danger pour vous. Continuez à vous conduire en gentleman ; c’est en gentleman que de mon côté j’accepterai votre défi.

— Bien, reprit Paul, et il posa sa canne dans un coin de la chambre. — Il nous reste à régler les conditions de notre rencontre ; mais je voudrais savoir auparavant s’il vous paraît nécessaire de simuler une querelle, qui pourrait servir de prétexte à l’affaire ?

— Non ; cela me semble tout à fait inutile.

— C’est aussi mon avis. Je pense également qu’il est inutile d’approfondir les véritables motifs de notre