Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/255

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se plaçant. Bazarof compta également dix pas et s’arrêta.

— Êtes-vous prêt ? demanda Paul.

— Oui.

— Marchons.

Bazarof s’avança lentement, et Paul en fit autant ; il tenait la main gauche dans sa poche et levait peu à peu le canon de son pistolet… « Il me vise droit au nez, se dit Bazarof ; et comme il cligne de l’œil pour assurer son coup, le brigand ! La sensation n’est pas agréable, il faut en convenir. Je vais regarder sa chaîne de montre… »

Quelque chose passa en sifflant tout près de l’oreille de Bazarof, et au même instant une détonation retentit. « Je l’ai entendu, donc je n’ai rien, » eut-il le temps de penser. Il avança encore d’un pas, et pressa la détente, sans viser.

Paul fit un léger mouvement, et porta la main à sa jambe. Un filet de sang colora son pantalon blanc.

Bazarof jeta son pistolet et courut à lui.

— Vous êtes blessé ? lui dit-il.

— Vous aviez le droit de me faire avancer jusqu’à la barrière, répondit Paul ; la blessure est insignifiante. Suivant nos conventions, chacun de nous a encore un coup à tirer.

— Quant à cela, vous me permettrez de remettre la partie à une autre fois, répondit Bazarof, et il saisit à bras le corps Paul qui commençait à pâlir. — Je ne suis plus un duelliste dans ce moment, mais un docteur,