Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/285

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Madame Odintsof demanda à Bazarof ce qu’il avait fait chez les Kirsanof. Il faillit lui conter son duel avec Paul Petrovitch, mais il se retint en pensant qu’elle pourrait le soupçonner de chercher à se rendre intéressant, et se contenta de lui dire qu’il avait passé le temps à travailler.

— Et moi, reprit madame Odintsof, j’ai d’abord eu le spleen, Dieu sait pourquoi ! C’était au point que je songeais à voyager. Figurez-vous cela ! Mais je me suis remise peu à peu ; votre ami Arcade est arrivé, et je suis rentrée dans mon ornière, dans mon véritable rôle.

— Quel est ce rôle, permettez-moi de vous le demander ?

— Le rôle de tante, de gouvernante, de mère, comme vous voudrez le nommer. À propos, savez-vous que j’ai été longtemps sans comprendre votre étroite amitié pour Arcade ; je le trouvais assez insignifiant. Mais maintenant j’ai appris à le mieux connaître, et je me suis convaincue qu’il est très-intelligent… et surtout jeune, très jeune… Nous n’en sommes plus là, nous autres, hélas ! Eugène Vassilievitch !

— Votre présence l’intimide-t-elle toujours autant ? lui demanda Bazarof.

— Est-ce que ?… commença madame Odintsof, et se reprenant aussitôt, elle ajouta :

— Il est devenu beaucoup plus confiant, et cause volontiers avec moi. Auparavant, il me fuyait. Au reste,