Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/294

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sion et pour la vie, et n’aime que vous seule au monde. Je voulais vous l’avouer, et si votre réponse m’était favorable, je voulais demander votre main… parce que je ne suis pas riche et que je me sens prêt à tous les sacrifices… Vous ne répondez pas ? Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que je parle avec étourderie ? Mais rappelez-vous ces jours derniers. Pouvez-vous douter que tout le reste, comprenez-moi bien, tout, tout le reste ait disparu sans laisser de traces ? Regardez-moi ; dites-moi un seul mot… J’aime… je vous aime… croyez-moi donc !

Katia jeta sur Arcade un regard sérieux et limpide ; après avoir longuement réfléchi, elle lui répondit avec un imperceptible sourire : — Oui.

Arcade sauta du banc.

— Oui ! vous avez dit oui, Katerina Serghéïévna ! que signifie ce mot ? Faut-il entendre par là que vous croyez à la sincérité de mes paroles… ou bien… ou bien… je n’ose pas achever…

— Oui ! répondit Katia, et cette fois il la comprit.

Il saisit ses grandes et belles mains, et les pressa sur son cœur ; la joie le suffoquait. Il chancelait sur ses jambes et répétait continuellement : Katia ! Katia ! Et elle se mit à pleurer aussi, tout en riant elle-même de ses larmes. Celui qui n’a point vu de ces larmes là dans les yeux d’une femme aimée, ne sait pas à quel point, anéanti par la reconnaissance et par la passion, un homme peut être heureux.

Le lendemain de bonne heure madame Odintsof fit