Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/300

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soir avec Katia avait complétement oublié son maître. Il commençait déjà à se soumettre à elle, et Katia n’en était nullement surprise. Le lendemain il devait se rendre à Marino, auprès de Nikolaï Pétrovitch. Pour ne pas gêner les jeunes gens, que seulement, par convenance, elle ne laissait pas trop longtemps seuls, madame Odintsof éloigna généreusement la princesse, jetée par la nouvelle du prochain mariage dans un état d’irritation larmoyante. Quant à elle-même, Anna Serghéïevna craignit un moment que le spectacle du bonheur des deux jeunes gens ne lui parût un peu pénible ; mais il en fut tout autrement. Au lieu de la fatiguer, ce spectacle l’intéressa et l’attendrit même. Elle en fut à la fois réjouie et attristée.

« Il parait que Bazarof avait raison, se dit-elle, il n’y a en moi que de la curiosité, seulement de la curiosité, et l’amour du repos, et l’égoïsme… »

— Enfants ! dit-elle en forçant sa voix, est-ce que l’amour est un sentiment factice ?

Mais Katia ni Arcade ne comprirent la question. Madame Odintsof leur inspirait une certaine crainte ; la conversation qu’ils avaient fort involontairement entendue ne leur sortait pas de la tête. Au reste elle les tranquillisa bientôt ; et fort naturellement, car elle se tranquillisa elle-même.


XXV


L’arrivée de Bazarof réjouit d’autant plus ses parents,