Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/332

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l’entoure, et deux jeunes sapins sont plantés à ses deux extrémités. Cette tombe est celle d’Eugène Bazarof. Deux personnes, un mari et sa femme, pliant sous le poids des années, viennent souvent la visiter d’un petit village des environs ; se soutenant l’un l’autre, ils s’approchent à pas lents de la grille, y tombent à genoux et pleurent longtemps et avec amertume, tiennent longtemps les yeux fixés sur la pierre muette qui recouvre leur fils ; ils échangent quelques paroles, essuient la poussière qui couvre la dalle funéraire, redressent une branche de sapin, puis ils se remettent à prier et ne peuvent se décider à quitter ce lieu où ils se croient plus rapprochés de leur fils, plus près de son souvenir… Est-il possible que leurs prières, que leurs larmes soient vaines ? Est-il possible que l’amour pur et dévoué ne soit point tout-puissant ? Oh ! non ! Quelque passionné, quelque révolté que soit le cœur qui repose dans une tombe, les fleurs qui ont poussé sur elle nous regardent paisiblement de leurs yeux innocents ; elles ne nous parlent pas seulement du repos éternel, de ce parfait repos de la nature « indifférente ; » elles nous parlent aussi de l’éternelle réconciliation et d’une vie qui ne doit pas finir.


FIN