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— Je t’avais promis de te raconter son histoire, lui dit Arcade.

— L’histoire du dytiscus ?

— Ne plaisantons pas ; l’histoire de mon oncle. Tu verras qu’il n’est pas l’homme que tu crois. Au lieu de le tourner en ridicule, tu devrais plutôt le plaindre.

— C’est possible ! mais pourquoi t’en es-tu coiffé comme cela ?

— Il faut être juste, Eugène.

— Je n’en vois pas la nécessité.

— Allons ! écoute-moi…

Arcade se mit à conter à son ami l’histoire de son oncle. Le lecteur la trouvera dans le chapitre suivant.


VII


Paul Petrovitch Kirsanof avait passé sa première enfance sous le toit paternel avec son frère Nicolas ; puis on l’avait fait entrer au corps des pages. D’une beauté remarquable, suffisant, un peu moqueur et d’une irascibilité coquette (c’était la mode à cette époque), il ne pouvait manquer de plaire. À peine eut-il reçu l’épaulette, qu’il alla dans le monde. On l’accueillait partout avec empressement ; il prenait ses aises, abusait de ses succès et faisait mille folies ; mais cela ne lui nuisait pas. Les femmes en raffolaient ; les hommes le traitaient de fat, et lui portaient secrètement envie. Il vivait, comme nous l’avons déjà dit, avec son frère