Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/59

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éteinte, répondait aux observations de Nicolas Petrovitch par un éternel : « Assurément ! sans aucun doute ! » tout en s’efforçant de présenter les paysans comme des ivrognes et des voleurs. Le nouveau mode d’administration que l’on venait d’adopter ne fonctionnait encore qu’en criant, comme une roue mal graissée, ou un meuble fait avec du bois humide par un ouvrier de village. Cela ne décourageait nullement Kirsanof, mais il soupirait et demeurait souvent pensif ; il comprenait que sans argent les choses ne marcheraient pas, et l’argent lui manquait : Arcade avait dit vrai : Paul Petrovitch était venu plus d’une fois au secours de son frère, plus d’une fois, le voyant qui se cassait la tête pour trouver un moyen de se tirer d’embarras, il s’était lentement approché d’une fenêtre en marmottant entre ses dents :

« Mais je puis te donner de l’argent. »

Et il lui en donnait effectivement ; mais cette fois il était lui-même à sec, et il avait jugé à propos de s’éloigner. Les discussions domestiques lui causaient un insurmontable ennui ; d’ailleurs, il lui semblait toujours que Kirsanof, avec tout son zèle et tous ses efforts, s’y prenait mal ; mais il lui eût été impossible de montrer lui-même ce qu’il y avait à faire.

« Mon frère manque d’expérience, se disait-il ; on le trompe. »

Kirsanof avait au contraire une très-haute idée de l’esprit pratique de Paul, et toujours il lui demandait conseil.