Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/91

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— Notre discussion nous a entraînés beaucoup trop loin, et je crois que nous ferions bien d’en rester là. Je serai d’accord avec vous, ajouta-t-il en se levant, lorsque vous m’aurez indiqué dans notre société une seule institution, pas davantage, qui ne mérite pas d’être complètement et impitoyablement abolie.

— Je pourrais vous en citer un million, s’écria Paul, un million ! Tenez, la commune[1], par exemple.

Un froid sourire contracta les lèvres de Bazarof.

— Quant à la commune, répondit-il, vous feriez mieux d’en parler avec votre frère. Je suppose qu’il doit savoir à quoi s’en tenir maintenant sur la commune, la solidarité des paysans entre eux, leur tempérance[2] et beaucoup d’autres plaisanteries du même genre.

— Et la famille ! la famille, telle que nous la trouvons chez nos cultivateurs, s’écria Paul Petrovitch.

— C’est encore là une question que vous feriez bien, à mon avis, de ne point approfondir. Suivez mon conseil, Paul Petrovitch, donnez-vous deux ou trois jours de réflexion ; vous ne trouverez rien sur le moment. Passez en revue toutes nos classes l’une après l’autre, et réfléchissez-y bien ; pendant ce temps, Arcade et moi, nous…

— Tournerons tout en dérision, reprit Paul Petrovitch.

  1. On sait que la commune russe a encore pour base l’indivisibilité de la propriété.
  2. Il y a trois ans que des sociétés de tempérance s’établirent parmi les paysans, mais elles furent bientôt abandonnées.