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PREMIER AMOUR

ment joyeux d’une vie jeune et débordante.

J’avais pour mon usage un petit cheval de selle ; je le sellais moi-même et je m’en allais seul au loin, en me lançant au galop, m’imaginant être un chevalier sur l’arène. Et que joyeusement le vent sifflait dans mes oreilles ! Ou bien tournant mon visage vers le ciel, j’enfermais sa lumière et son azur éclatant dans mon âme ouverte.

Je me souviens qu’en ce temps, l’image d’une femme, le fantôme de l’amour, ne se dressait presque jamais dans mon esprit avec des contours bien définis. Mais dans tout ce que je pensais, dans tout ce que je ressentais se cachait cependant un pressentiment à demi conscient et pudique de quelque chose d’inconnu, inexprimablement doux et féminin…

Ce pressentiment, cette attente pénétrait tout mon être ; il devenait mon souffle ; il coulait dans toutes mes veines, dans chaque