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PREMIER AMOUR

il y avait un je ne sais quoi de si gracieux, d’impérieux, de caressant, de railleur et de charmant, que je faillis jeter un cri d’étonnement et de plaisir ; et j’aurais donné, je crois, tout au monde pour sentir, moi aussi, sur mon front, le choc de ces jolis doigts.

Mon fusil glissa sur l’herbe ; j’oubliai tout ; je dévorai du regard cette silhouette élégante, et le petit cou, et les jolies mains, et les cheveux blonds légèrement défaits sous le foulard blanc, et cet œil intelligent à demi clos, et ces cils, et la tendre joue qu’ils ombrageaient.

— Jeune homme ! jeune homme ! dit tout à coup une voix auprès de moi, il est défendu de regarder ainsi les jeunes filles étrangères.

Je tressaillis et restai comme pétrifié !… Près de moi, de l’autre côté de la haie, un homme, aux cheveux noirs coupés ras, se tenait et me regardait d’un air ironique. Au même moment, la jeune fille se tourna de mon