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PREMIER AMOUR

revanche, quand il voulait, il pouvait presque instantanément, d’un mot, d’un mouvement, faire naître en moi une confiance sans bornes. Mon âme s’ouvrait. Je bavardai avec lui comme avec un ami raisonnable, un guide condescendant… Puis, presque aussitôt, avec la même brusquerie, il m’abandonnait, et, de nouveau, sa main m’écartait doucement, tendrement, mais elle m’écartait.

Parfois, la gaîté le prenait, et alors, il était prêt à courir et à faire l’espiègle avec moi comme un écolier. (Il aimait tous les exercices du corps.) Une fois, une fois seulement, il me caressa avec une telle tendresse que je faillis en pleurer… Mais sa gaîté et sa tendresse disparurent sans trace, et ce qui se passa entre nous ne devait me laisser aucune espérance pour l’avenir ; on eût dit que je l’avais vu dans un rêve. Il m’arrivait de me mettre à examiner son pur visage intelligent et beau… Mon