Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la cérémonie : on fait porter ensuite les nippes qui ne sont pas le moindre ornement de la marche. Comme c’est tout le profit qui en revient au mari, on affecte de charger des Chevaux et des Chameaux de plusieurs coffres de belle apparence, mais souvent vuides, où dans lesquels les habits et les bijoux sont fort au large. L’épousée est ainsi conduite en triomphe par le chemin le plus long chez l’époux qui la reçoit à la porte. Là ces deux personnes qui ne se sont jamais veües, et qui n’ont entendu parler l’un de l’autre que depuis quelques jours, par l’entremise de quelques amis, se touchent la main et se font les plus tendres protestations qu’une veritable passion puisse inspirer. On ne manque pas de faire la leçon aux moins éloquens, car il n’est guere possible que le cœur y ait beaucoup de part.

La cérémonie étant faite en presence des parens et des amis, on passe la journée en festins, en dances, et à voir les marionettes ; les hommes se réjoüissent d’un côté, et les femmes d’un autre. Enfin la nuit vient et le silence succede à cette joye tumultueuse. Parmi les gens aisez, la mariée est conduite par un Eunuque dans la chambre qui lui est destinée ; s’il n’y a point d’Eunuque, c’est une parente qui lui donne la main et qui la met entre les bras de son mari. Dans quelques villes de Turquie, il y a des femmes dont la profession est d’instruire l’épousée de ce qu’elle doit faire à l’aproche de l’époux, qui est obligé de la deshabiller piece à piece et de la placer dans le lit. On dit qu’elle récite pendant ce temps-là de longues prieres, et qu’elle a grand soin de faire plusieurs nœuds à sa ceinture, en sorte que le pauvre époux se morfond pendant des heures entieres avant que ce dénouëment soit fini. Ce n’est que sur le rapport d’autrui, qu’un homme est informé si celle qu’il doit épouser est belle ou lai-