Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Alcoran déteste l’adultere, et ordonne que celui qui en accusera sa femme, sans le pouvoir prouver, sera condamné à quatre-vingt coups de bâton. Comme la chose est difficile à prouver en Turquie où il faut avoir des témoins, le mari est obligé de jurer quatre fois devant le Juge, qu’il dit la verité ; il proteste à la cinquiéme fois qu’il veut estre maudit de Dieu et des hommes s’il ment. La femme ne fait qu’en rire dans son ame, car elle est crüe sur ses sermens, pourveû qu’au cinquiéme elle prie Dieu qu’il la fasse perir si son mari a dit vrai. Toute femme en pareil cas ne semble-t-elle pas devoir être dispensée de dire la verité ?

La jalousie à part, les Turcs sont de bonnes gens, et ils prennent toutes les mesures possibles pour en eviter les occasions, car ils ne laisseroient pas voir le visage de leurs femmes à leur meilleur ami pour tout le bien du monde. D’ailleurs ils sont assez bien faits et de belle taille ; le sang varie moins chez eux que parmi nous, peut-être parce qu’ils sont plus sobres et que leur nourriture est plus douce et plus uniforme. On y voit moins de bossus, de boiteux, et de nains. Il est vrai que leurs habits cachent bien des deffauts que les nôtres laissent à découvert. La premiere piece de cet habit est un grand haut de chausse en maniere de pantalon ou de calçon, lequel descend jusques aux talons, où il est terminé par un chausson de marroquin jaune qui entre dans des pantoufles de même cuir : au lieu de talon, ces pantoufles sont garnies d’un petit fer épais seulement d’une ligne et demi, large d’environ quatre lignes, courbé en fer à cheval, lequel empéche qu’elles ne s’usent en cet endroit ; la pointe est terminée en arcade gothique, et elles sont cousuës avec plus de propreté que nos souliers. Quoiqu’elles soient à simple semelle, elles durent long-temps, sur tout celles