Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/16

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Mosquées qui sont dans le Château des Sept Tours, sont encore d’une grande ressource pour l’Empereur.

Les Mosquées sont riches, et sur-tout celle qu’on appelle Royale : aprés qu’on a payé les Officiers, le reste des deniers est mis dans le thresor dont le Grand Seigneur est le principal gardien. Il est vrai qu’il ne peut s’en servir que pour défendre la Religion ; mais l’occasion ne s’en presente-t’elle pas toutes les fois qu’il est en guerre avec ses voisins, qui sont ou Chrétiens ou Mahometans schismatiques ? ainsi le Moufti ne sçauroit desaprouver l’usage qui se fait de ces deniers en temps de guerre.

Il n’est point de Prince qui soit servi plus respectueusement que le Sultan. On inspire tant de vénération pour lui aux personnes qu’on éleve dans le Serrail ; leur sort même exige tant de fidelité et tant d'attachement pour sa personne, que non seulement il y est regardé comme le maître du monde, mais encore comme l’arbitre souverain du bonheur et du malheur de chaque particulier : ce Palais n’est donc rempli que de gens qui lui sont entierement consacrez. On peut les diviser en cinq Classes, les Eunuques, les Ichoglans, les Azamoglans, les Dames et les Muets, auxquels on peut joindre les Nains et les Bouffons, qui ne meritent pas de faire une Classe particuliere.

Les Eunuques ont l’Intendance de tout le Palais, et sont les personnes de confiance : incapables de plaire au beau sexe, et dégagez des interêts de l’amour, il se donnent tout entiers à l’ambition et au soin de leur fortune. On les distingue aisément par la couleur de leur visage, il y en a de blancs et de noirs ; les blancs sont attachez au service du Prince, et prennent soin de l’éducation des Enfans du Serrail ; les noirs sont plus malheureux, car ils rongent tout le jour leur frein dans les appartemens des