Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas d’autres en Turquie, où ordinairement les gens les plus aisez ne sont pas mieux en vaisselle que nous l’êtions.

Nos capots de Marseille nous furent d’un secours merveilleux ; ils étoient d’un gros drap de Capucin, doublez d’une étoffe d’égale résistance pour la fatigue. Un capot est un meuble incomparable pour un voyageur, et sert en cas de besoin de lit et de tente. Nous nous êtions fournis dans l’Archipel de linge pour la table, et pour nôtre usage, sur tout de calçons de toile de coton, qui tiennent lieu de draps de lit dans ces sortes de routes ; nous pouvons nous vanter d’en avoir fait venir la mode parmi les Armeniens de nos caravanes. Il fallut quitter l’habit François à Constantinople pour prendre le Dolyman et la veste ; mais comme cet habit nous parut fort embarrassant pour travailler à nos recherches, nous fimes faire aussi un habit à l’Armenienne pour aller à cheval, et des botines de marroquin pour courir dans la campagne ; l’habit à la Turque étoit destiné pour les visites de céremonie et de bienséance, et l’autre étoit pour la fatigue.

Nos amis de Constantinople nous indiquérent un homme admirable qui savoit tout sorte de mêtiers, et qui nous servoit d’Intendant, de valet de chambre, de cuisinier, d’interprete, et de maître si je l’ose dire ; car le plus souvent il en falloit passer par tout ce qu’il vouloit. Cet habile homme étoit un Grec, fort comme un Turc, et qui avoit couru par tout le pays ; il faisoit la cuisine à la Turque et à la Françoise. Outre le Grec vulgaire, il parloit Turc, Arabe, Italien, Russiote et Provençal qui est ma langue naturelle. Nous nous trouvâmes si bien de Janachi, c’étoit ainsi qu’il s’appelloit, que nous n’en prîmes pas d’autre jusques en Armenie ; Pourquoi dépenser l’argent du Roy mal à propos ? D’ailleurs il faut faire le